vendredi 9 avril 2010

Parfaite illustration.

Sans déconner. Nan mais sérieux, sans rire. Je pose la question : L’Est Républicain est-il un vrai journal ? Les personnes écrivant pour l’Est Républicain sont-ils des journalistes ? Et allons plus loin : la presse régionale est-elle véritablement journalistique ? Cela fait, je dois dire, un petit moment que je ne le crois plus. Ceci est d’ailleurs valable pour les jités de France3 Région. Dans l’un comme dans l’autre ce qui relève de l’information, la vraie, la bonne, la pertinente, celle qui devrait faire la une tous les jours est soit reléguée loin dans les pages (ou dans les reportages) du journal soit réduite à son plus expresse traitement. Car il faut bien comprendre que visiblement, pour les « journalistes » de ces médias, il faut à tout prix que leur journal soit le reflet de la région dont ils traitent. Aussi, peu importe qu’une entreprise faisant des profits licencie éhontément des centaines de salariés, le plus important reste de traiter de la fête du sabot se déroulant, pour la 26è année consécutive à Schmart-les-moselle parce que CA c’est l’information qui « intéresse les Lorrains ». Nous avions déjà eu l’occasion de critiquer le métier de journaliste (où plutôt ce qu’il est devenu) mais nous n’avions pas porté de regard plus appuyé sur la presse régionale. Et là il faut bien dire que ce ne peut que renforcer notre opinion.
Déjà, on notera l’originalité : en Lorraine, il y a deux grands quotidiens : le Républicain Lorrain et l’Est Républicain. Moui, effectivement, ils sont allés chercher loin pour trouver leurs noms respectifs. Je pense fonder un autre journal, il s’appellera le Lorrain Républicain ou peut-être le Républicain de l’Est, je me tâte encore. Bon, mais l’habit (et le nom) ne fait pas le moine me direz-vous et vous aurez raison. Aussi regardons un peu à l’intérieur. Et que trouvons-nous ? Ça :

(Pour ceux qui n'arriveraient pas à lire : "Non ils n'étaient pas en grève. Les étudiants de la fac de Lettres se la coulaient douce, mardi après-midi, vautrés sur la pelouse centrale encore humide des dernières pluies. Il savouraient les premiers rayons de soleil. Ils philosophaient peut-être sur le plaisir de ne rien faire ou pensaient à leurs copains de première année de médecine ou en prépa, en pleine révision de concours" Photo Denis MOUSTY.)

Aaaaah voilà du vrai travail journalistique. Voilà une information qu’elle est intéressante. Voilà l’éthique journalistique mise en avant et fort justement illustrée. Voilà qui donne tord à ces ennemis de la presse que sont Jean-Luc Mélenchon et consorts. Ahah, on fait moins les malins là ! Un article d’une puissance d’analyse à couper le souffle et qui va probablement révolutionner la presse régionale. Une photo, quatre phrases, un cliché populiste. Ça c’est de l’article.

Alors qu'en dire? Que démontre-t-il? Ne serait-ce pas là, la preuve de ce que nous disions des médias dans notre billet précédent ? A savoir que les journalistes ont une part non négligeable dans la façon dont « les Français » appréhendent les choses ? Si la fac de Lettres a une mauvaise image, à qui la faute ? La sienne ? Ou celle des politiques et des journalistes qui passent leur temps à la critiquer, à rabâcher toujours les mêmes discours consistant à dire qu’elle ne forme à rien, ne sert à rien, est le siège d’affreux gauchistes fainéants et futurs chômeurs ? Les journalistes peuvent bien se draper dans leur déontologie, leur liberté, leur impartialité, ce là sont TOUS des hypocrites. Les seuls qui ne le sont pas sont ceux qui admettent et avoue cette même hypocrisie. La liberté et la neutralité de la presse est une vaste plaisanterie qu’il est temps de mettre à mal. Que les journalistes avouent enfin pour qui, pour quoi ils roulent et on fera alors un pas vers la réelle liberté d’opinion. Car tant qu’ils avanceront cachés derrière le masque de l’objectivité, nous ne serons que dans le mensonge et la manipulation. En ouvrant le Figaro, on sait sur quel type d’article on va tomber. En ouvrant l’Humanité, de même. En ouvrant le Monde Diplomatique, pareil. Mais dans la presse ou les médias « non engagés », c’est un mensonge permanent. Les journalistes se mentent à eux-mêmes et mentent aux lecteurs-spectateurs. La bouse que nous venons de prendre pour cible le montre assez. Que l’Est Républicain affiche publiquement et une fois pour toute sa couleur politique et la dispute sera déjà plus honnête. Car il n’en est pas à son coup d’essai. Déjà les années passées lors des mobilisations étudiantes et des enseignants-chercheurs contre les réformes de l’Université (visant à détruire et privatiser l’Université, nous le rappelons) ils n’avaient de cesse que de mettre l’accent sur le « blocage » et les « examens » (cf. ici, en bas de la page). Les réformes ? Quelles réformes ? Je me souviens, il y a deux ans, de cette journaliste de France3 Lorraine qui était venue nous voir pour savoir si la fac était bloquée et si oui, jusque quand. S’est-elle posé la question de savoir POURQUOI la fac était bloquée ? Nooooon car voyez-vous ça n’intéresse pas les français. Insistons bien plutôt sur le fait que la fac de Lettres est bloquée, ça sera amplement suffisant pour montrer que, décidément, ces étudiants ne sont vraiment rien d’autres que des fainéants. Les premières lignes de ce texte de merde montrent assez combien que l’Est Républicain propage une telle vision du monde.
Mais pire encore. Non content de taper sur la fac de Lettres, le "journaliste inconnu" s’en va « glorifier », par contraste, les étudiants en classe prépas et en médecine. Non content de propager un cliché négatif, il en propage un « positif » : les classes prépas et la première année de médecine, voilà des formations qu’elles sont supers ! En voilà une belle illustration du chien de garde! Car en faisant cela, ce n’est pas seulement les filières littéraires et des sciences humaines qu’il attaque, c’est les filières bourgeoises qu’il défend. Autrement dit, son commentaire est plus qu’une simple insulte. C’est un message démontrant, s’il en était besoin, la servilité du journalis-t-m-e (choisissez) à la bourgeoisie. Qui va en classe prépas ? Qui va en médecine ? Les fils de bourgeois en grande partie. Qui va en fac de Lettre ? Les populations plus modestes. Et oui, ça c’est de l’analyse ! Ça c’est une information. Ça, ça devrait apparaitre dans les articles réalisés avec un sérieux journalistique. Les facultés de Lettres et de Sciences Humaines sont celles qui acceptent ou attirent le plus les étudiants issus de milieux défavorisés. Ce sont les seules facs qui n’apparaissent pas à ces populations comme « réservées » à « l’élite ». Voilà pourquoi la bourgeoisie au pouvoir n’a de cesse de frapper ces établissements, établissements de pauvres, de chômeurs, de fumeurs de haschich, d’alcooliques etc. C’est un véritable racisme de classe qui transparait alors et qui transparait dans cet article. Et la voilà, la véritable information.

Ces journalistes sont des ennemis de classe. Qu’on se le dise et qu’on agisse en conséquence.



A l'attention du photographe: Son seul nom apparaissant sur l'article, j'ai d'abord cru qu'il était responsable aussi bien de la photo que du commentaire incriminé. Il s'avère que ce n'est pas le cas et que je l'ai un peu trop vite accusé. Je m'en excuse. Néanmoins, je reste très suspicieux sur le fait que l'on puisse venir à la fac de Lettres, prendre une photo et s'en aller, sans n'avoir jamais l'idée d'un commentaire à faire sur cette photo. Car pour prendre une photo, il faut juger la scène intéressante pour une raison particulière. Or, cette raison à toutes les chance d'être exprimée dans un commentaire. Autrement dit, je doute fortement que le photographe n'ait rien à voir dans cette affaire, avec le commentaire, ne serait-ce parce que le photographe n'est pas réductible à son appareil photo...

2 commentaires:

Julien Bénéteau a dit…

Cher P3C: désolé de devoir un peu te contredire, mais il est très rare, voire impossible que le photographe de l'Est ait rédigé cette légende. Ce n'est pas dans les coutumes. Il faudra donc faire d'autres recherches pour savoir qui est le chien de garde des filières bourgeoises, une notion hautement intéressante, qui mérite des développements.
Pour ton info, les noms des journaux viennent d'avant les deux guerres. Ces "Républicain" un peu partout ont une vraie signification, celle de croire dans une République où tout un chacun a accès à l'information - ce qui est encore le cas. Tu oublies également le troisième quotidien, La Liberté de l'Est (eh, oui, consternant, je suis bien d'accord), qui est devenue... Vosges Matin. Ah, là, ça a plus de gueule, non?!
Enfin nos journaux ne roulent pour personne pour la bonne raison que nous informons tout le monde - donc tout le monde est libre dans nos colonnes. Ce qui explique une certaine honnêteté de notre part, que je préfère à l'objectivité, impossible à mettre en œuvre dans le journalisme, comme dans le patinage artistique.

PCCC a dit…

@ JB: Tout d'abord merci du commentaire, tu es le tout premier(ce blog ayant été ouvert il y a peu). Oui, je suis conscient que j'ai peut-être été un peu vite dans l'accusation mais il faut dire que 1) aucun autre nom n'apparait 2) je pense (peut-être naïvement) que le photographe qui prend une photo, "sait" à quoi elle va servir et 3) j'étais un peu beaucoup exaspéré par l'Est répu. pour ses articles souvent défavorables à la fac de lettres.
Sur le reste, notamment sur le fait que ces journaux "ne roulent pour personne" c'est vrai du point de vue "officiel". Maintenant, il est relativement clair et évident que les journalistes de par leur situation particulière (dépendances économiques, politiques, internes etc.) ne peuvent prétendre qu'un peu bêtement à la liberté et à l'objectivité. Pour ma part, ça ne me gène qu'à partir du moment où cela est caché, dissimulé derrière une déontologie surtout fantasmée. De ce point de vue, je préfère le Figaro à la presse régionale parce qu'il annonce la couleur. Autrement dit, le Figaro est plus "honnête" que l'Est Républicain... bien que je le déteste tout autant !