dimanche 21 mars 2010

Ce que nous apprend "Réforme sociale ou Révolution ?".

Alors que les « socialistes » vont d’ici quelques heures crier victoire suite aux élections régionales et que la presse titrera demain » Une victoire de la Gauche » (ou quelque chose comme ça, il me parait de plus en plus urgent de poser, montrer et démontrer une fois pour toute que le P « S » n’est pas (ou plus) un partit de « gauche ». Enfin « démontrer » serait un peu long et je propose donc de donner les grandes lignes d’une véritable démonstration à laquelle je vous renvoie si vous vous voulez vraiment avoir tous les détails. Cette démonstration se trouve dans l’écrit de Rosa Luxembourg, Réforme sociale ou Révolution ? .

Quel est donc son propos ? Écrit à la fin du XIXe siècle, Réforme sociale ou Révolution ? est une réponse aux thèses d’Eduard Bernstein pour qui il faut rompre avec le marxisme. Cette volonté de rupture s’explique par le fait qu’il voit dans bon nombre d’élément (le crédit, les coopératives, la résistance aux crises économiques) non seulement la réfutation des thèses de Marx quant à l’effondrement prochain du capitalisme, mais encore son adaptation aux contradictions dénoncées. Autrement dit, loin de s’effondrer rapidement parce que colosse aux pieds d’argile, le capitalisme est souple et capable de surmonter ses contradictions. Aussi, la tâche du Parti doit changer : il ne s’agit plus pour lui de provoquer et d’organiser une Révolution pour dépasser le capitalisme et faire advenir le Communisme, il doit désormais « s’adapter à l’adaptation » et devenir un parti dont le but sera d’arriver au même but par des vois pacifiques et réformistes. La Révolution n’ayant de sens que parce que le Capitalisme était censé être incapable de se dépasser lui-même « en douceur », si cela s’avère possible, il faut en passer par là.
Ce n’est pas seulement parce que une telle thèse rompt avec nombre de principes marxistes que Rosa Luxembourg répond violemment à Bernstein : c’est parce qu’elle nie toute la pensée dialectique à l’œuvre dans les travaux de Marx et donc, ce qui fonde le socialisme. La logique de Bernstein poussée jusqu’au bout devrait donc aboutir à nier le but même du Parti : à quoi bon faire advenir le socialisme si le capitalisme est finalement tout à fait viable ?
En réalité, la critique de Luxembourg est double. D’une part elle critique ce que Bernstein prend pour des preuves d’adaptations du capitalisme en montrant que, loin d’êtres des facteurs résolvant les contradictions, ils les accentuent silencieusement, comme on tendrait encore un peu plus un élastique sur le point de casser (tel est le système du crédit qui fournit plus de souplesse au système financier mais à des répercussion très graves en cas de crise). Ou alors, ces éléments sont non viables et sont de simples tentatives de « tempérer » des contradictions trop violentes (telles sont les coopératives dans lesquelles les ouvriers ont l’impression de posséder les moyens de productions mais, parce qu’ils se trouvent au sein d’un système capitaliste, ne peuvent pleinement jouir de ce fait ce qui rend ce « progrès » tout à fait factice). D’autre part, la critique se fonde sur l’idée même que le capitalisme puisse muter petit à petit en un système socialiste. Il est certes possible de créer des aménagements, de nouveaux droits, de nouvelles lois, limitant les effets dévastateurs du Capital mais ces aménagements seront toujours limités. Le problème n’est pas légal : il est structurel. Or, la structure est au-delà des lois, elles les englobent voire les cause. Il n’est pas possible de changer les fondements d’une société par des lois puisque celles-ci sont l’effet des fondements et non l’inverse. Si une loi semble renverser un fondement alors c’est que le fondement en question est déjà renversé ou qu’il ne s’agit pas d’un fondement. Mais le pire reste que le projet socialiste est indissociable de la Révolution. Aussi, il semble bien qu’abandonnant ce moyen, il en oublie la fin. Même si Bernstein ne le dit pas explicitement, il doit être contraint, de par le fait que tout se tient, d’abandonner le socialisme et donc de trahir la cause ouvrière…
En bref, selon Luxembourg, vouloir renverser ainsi le système est tout aussi utopique que vouloir le renverser par une révolution violente orchestrée par un petit groupe d’individus et sans prise en compte du contexte. Autrement dit, le « socialisme » de Bernstein est aussi fautif que le « gauchisme » de Blanqui en ceci que tous les deux, en omettant systématiquement des données essentielles, sont obligés de trahir le projet socialiste. La démonstration est plus complexe que cela et fait appelle à la théorie marxiste dont je vous épargnerais aujourd’hui les détails (ne serait-ce parce que je ne l’ai plus en tête). Mais revenons à aujourd’hui voulez-vous ?

Bernstein marque un tournant dans la pensée de gauche : à la Révolution, il substitue le réformisme. Comme nous l’avons vu, cela est déjà hautement contestable mais il parait honnête de dire que Bernstein ne voulait pas abandonner le Socialisme. Si cela est une conséquence logique de ce qu’il propose, il parait probable qu’ayant vu cela, il se serait ravisé. Et combien même cela n’aurait pas été le cas, admettons le. Mais aujourd’hui, le Parti « Socialiste », qui se réclame de la social-démocratie (théorie que défend Luxembourg : aller dans les institutions oui, mais sans perdre l’objectif révolutionnaire de vue) a abandonné clairement l’idée même du socialisme. Dès lors, si la tendance réformiste suffisait pour faire des sociaux-démocrates à la Bernstein des « socio-traitres », que devrait-on dire des ces « sociaux-démocrates » qui nient consciemment (à l’inverse de Bernstein) le but socialiste ? Sont-ce encore de véritables sociaux-démocrates ? On pouvait encore croire à une faute d’inattention chez Bernstein et ses partisans mais aujourd’hui, franchement ? Se déclarant pour une « économie mixte » dont on voit mal la cohérence et dont il est fort probable qu’elle soit une chimère sans nom, les « socialistes » d’aujourd’hui sont encore bien pires que les socialistes du début XXe dont ils se réclament pourtant. En effet, qu’est-ce donc que ce projet sinon l’expression éclatante d’une absence TOTALE de références théoriques et une vision TOTALEMENT pragmatique et opportuniste de la politique, choses déjà dénoncées par Rosa Luxembourg à l’époque ? Si Bernstein était un « traitre inconscient », que dire des « socialistes » aujourd’hui ? Bernstein avait un minimum de références théoriques en se basant sur un semblant de marxisme. Mais sur quelle base repose le projet du parti « socialiste » aujourd’hui ? Aucun. Dès lors, peut-on faire confiance à un parti, à un projet qui ne sait ni d’où il vient ni où il va ayant perdu voire abandonné sa boussole depuis longtemps ?

Définitivement, s’il est possible de soutenir que Bernstein représentait une gauche « dégénérée », il doit nous être évident aujourd’hui que le P « S » est pire que cela : le P « S » est un parti bourgeois.

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